Lutter contre le travail illégal sur les chantiers : quelles mesures adopter ?

Par Léa Ordener / Le 7 février 2025

Le travail illégal sur les chantiers représente un problème majeur, tant en termes de sécurité que de concurrence déloyale.

Le travail illégal sur les chantiers représente un problème majeur, tant en termes de sécurité que de concurrence déloyale. Sa suppression nécessite le respect des pratiques conformes à la législation. Toutefois, celles en vigueur peuvent ne pas suffire en pratique. Il convient donc, dans un premier temps, de les renforcer, puis d’inciter les acteurs concernés à lutter contre l’abus. Voici en pratique comment chaque partie pourrait contribuer à cette lutte.

Optimiser les mesures juridiques et réglementaires

Le droit du travail et le code de la Sécurité sociale prévoient plusieurs dispositions préventives et répressives contre le travail illégal. Cependant, pour diverses raisons, certains employeurs embauchent et exploitent à ce jour bon nombre d’ouvriers de manière illégale. L’autorité publique pourrait donc à son niveau renforcer les mesures juridiques et réglementaires autour du secteur BTP.

Renforcement des obligations légales

L'employeur doit déclarer tous ses travailleurs, qu'ils soient employés directement ou sous-traitants.

Chaque employeur dans le secteur BTP doit déclarer de manière transparente tous ses travailleurs, qu’ils soient employés directement ou sous-traitants. Cette démarche est obligatoire depuis l’instauration de la Déclaration Préalable à l’Embauche (DPAE). Elle reste toutefois insuffisante pour prévenir le recours à l’emploi de travailleurs non déclarés ou sous-payés.

Pour plus de transparence, il serait utile que cette procédure soit vérifiée à chaque étape de l’embauche. Elle pourrait également inclure des informations détaillées sur les conditions de travail et les assurances sociales. Le législatif pourrait également renforcer les sanctions pécuniaires et administratives pour les entreprises ne respectant pas ces obligations. Ces sanctions devront être suffisamment dissuasives pour convaincre les acteurs du secteur de se conformer.

Responsabilisation des maîtres d’ouvrage

Publics comme privés, les maîtres d’ouvrage doivent s’assurer que les entreprises avec lesquelles ils travaillent respectent les normes sociales et fiscales en vigueur. Dans ce cadre, la responsabilité solidaire a été instaurée pour permettre de rendre responsables les donneurs d’ordres en cas de fraude ou de travail illégal sur leurs chantiers.

Cela signifie qu’un maître d’ouvrage peut être sanctionné si ses sous-traitants emploient des travailleurs illégalement ou ne respectent pas les règles sociales, comme la déclaration des salariés ou le paiement des cotisations sociales. Ainsi, cette mesure incite les maîtres d’ouvrage à exercer un contrôle strict sur la chaîne de sous-traitance, et ce, de manière préventive.

Formaliser des contrôles de conformité avant l’accès aux marchés publics

Le secteur public étant l’un des plus grands donneurs d’ordres dans le BTP, il est primordial que des contrôles rigoureux soient mis en place. Elles permettront de vérifier la conformité des entreprises candidates avant l’attribution des marchés publics. Celles-ci doivent prouver qu’elles respectent toutes les obligations légales.

Les marchés publics doivent donc être accessibles uniquement aux entreprises ayant prouvé leur conformité. Pour ce faire, il suffirait d’un certificat de régularité délivré par les autorités compétentes. Ce contrôle préalable permettrait d’éviter la fraude à l’embauche.

Renforcer les contrôles sur les chantiers

Pour lutter efficacement contre le travail illégal sur les chantiers, il est également impératif de renforcer les contrôles sur le terrain. Cela nécessite des inspections régulières et la collaboration entre les différents acteurs du secteur.

Inspection régulière des chantiers

Les contrôles doivent être réguliers et parfois inopinés, afin d’éviter toute préparation ou dissimulation des pratiques illégales. Les inspections devraient porter sur différents aspects :

  • la vérification des contrats de travail ;
  • les déclarations sociales des salariés ;
  • et la régularité des assurances.

Les agents de contrôle doivent disposer des pouvoirs nécessaires pour effectuer des vérifications détaillées. Entre autres, cela inclut la possibilité de demander des documents justificatifs, tels que des fiches de paie ou des attestations de sécurité sociale. En cas de constatation de travail illégal, des sanctions immédiates doivent être appliquées.

Collaboration interinstitutionnelle pour des contrôles coordonnés

Les autorités publiques doivent travailler main dans la main pour coordonner les contrôles et partager leurs informations. Un contrôle fiscal peut être mené simultanément avec un contrôle de conformité ou un audit de sécurité sur le chantier. Ainsi, les agents pourront aisément détecter les multiples fraudes.

Sensibiliser les employeurs et les dirigeants d’entreprises

Les employeurs, en particulier les dirigeants de petites et moyennes entreprises du secteur BTP, doivent être sensibilisés aux conséquences du travail illégal. De nombreuses entreprises ne sont pas toujours conscientes des risques liés à l’embauche de travailleurs non déclarés.

Par conséquent, l’autorité publique, en collaboration avec des partenaires privés, pourrait mettre en place des programmes de formation pour ces acteurs. Ils doivent inclure des informations sur les obligations légales en matière de déclaration et de sécurité sociale. Il faut également les informer des conséquences de la sous-traitance abusive ou du recours à des travailleurs non déclarés.

Informer les travailleurs de leurs droits

Les travailleurs du BTP doivent aussi être informés de leurs droits et de la législation en vigueur. Les employeurs doivent fournir une information claire et régulière sur les droits sociaux des travailleurs. Les autorités publiques et les syndicats pourraient donc organiser des campagnes de sensibilisation pour garantir que les travailleurs comprennent bien leurs droits. Ces campagnes peuvent être organisées sous forme d’ateliers ou de sessions d’information sur les chantiers eux-mêmes, afin de toucher un large public.

Que peuvent faire les travailleurs pour favoriser cette lutte ?

Les travailleurs du secteur BTP sont les principaux acteurs de cette lutte. Ils sont donc appelés à y participer activement pour jouir de meilleures conditions de travail. Voici plusieurs actions concrètes qu’ils peuvent entreprendre pour contribuer à cette lutte.

Se renseigner sur ses droits

Le BTP étant un secteur exposé à des risques élevés, les conditions de travail sont encadrées par un règlement particulier. Et le respect de ces normes est obligatoire. Par conséquent, pour lutter contre le travail illégal sur les chantiers, les travailleurs doivent se renseigner sur leurs droits. Ils seront ainsi mieux armés pour repérer les pratiques abusives.

Exiger un contrat de travail en bonne et due forme

Chaque travailleur a droit à un contrat écrit mentionnant :

  • sa rémunération ;
  • ses horaires ;
  • la durée de son engagement ;
  • et les spécificités de ses tâches.

Ce contrat doit être rédigé selon la législation française. Il doit de fait fournir des garanties telles que la couverture sociale, la sécurité au travail et la rémunération légale. Ceci implique également les droits de congés payés, de respect des horaires de travail et de sécurité sur le chantier.

Les travailleurs du BTP peuvent donc exiger un contrat de travail en bonne et due forme, quel qu’en soit le type (CDD, CDI, mission temporaire). Ils s’assurent par conséquent d’obtenir les protections légales en cas de litige.

Vérifier que l’employeur déclare le travail

La Déclaration Préalable à l’Embauche doit être faite par l’employeur avant le début du travail. Les travailleurs peuvent demander la confirmation de cette déclaration auprès de leur employeur. Ils peuvent aussi examiner leurs fiches de paie pour s’assurer que les cotisations sont prélevées correctement.

La régularité des fiches de paie constitue aussi une preuve de l’existence d’un emploi déclaré. Si l’employeur refuse de les fournir, cela peut constituer un signal d’alerte pour le travail dissimulé. Les travailleurs peuvent alors prendre les mesures nécessaires. De plus, il est indispensable que les travailleurs disposent d’une carte d’identification professionnelle dite carte BTP. Son élaboration dépend essentiellement de la déclaration par l’employeur.

Signaler les infractions aux autorités compétentes

Si un travailleur du BTP soupçonne des pratiques illégales, il peut signaler ces infractions aux autorités compétentes, telles que la Direccte, l’URSSAF ou la CARSAT.

Si un travailleur du BTP soupçonne des pratiques illégales, il peut signaler ces infractions aux autorités compétentes, telles que la Direccte, l’URSSAF ou la CARSAT. La Direccte est l’organisme chargé de l’inspection du travail, responsable de contrôler le respect des règles sur les chantiers. L’URSSAF, quant à elle, lutte spécifiquement contre la fraude sociale et le travail dissimulé.

Dans ce contexte, il est essentiel de fournir aux travailleurs des outils pour signaler d’éventuelles irrégularités ou abus. Il pourrait s’agir d’applications mobiles permettant de signaler anonymement toute situation de travail illégal ou de conditions de travail non conformes.

Une fois l’employeur signalé, les autorités mènent ensuite des enquêtes qui permettent de rétablir la légalité. En cas de détection de manquements, l’employeur encourt des sanctions. Le travailleur peut quant à lui obtenir des droits auxquels il avait été privé.

Refuser de travailler dans des conditions dangereuses

En France, le droit de retrait permet aux salariés de cesser leur activité s’ils estiment que leur santé ou leur sécurité est en danger. Ce droit protège généralement les travailleurs face aux risques physiques sur les chantiers.

Cependant, il peut également être appliqué dans le contexte du travail dissimulé. Si un employeur impose des conditions dangereuses en négligeant les normes de sécurité, les travailleurs peuvent exercer leur droit de retrait.

Éduquer et sensibiliser leurs collègues

Les travailleurs peuvent aussi lutter contre le travail illégal en sensibilisant leurs collègues à leurs droits et aux risques associés au travail dissimulé. Ils peuvent échanger des informations sur les réglementations et discuter des pratiques de l’entreprise. Cela permettra de renforcer la vigilance collective.

C’est un moyen de faire pression sur les employeurs pour qu’ils adoptent des pratiques légales et transparentes. Lorsqu’un groupe de travailleurs comprend ses droits et connaît les ressources disponibles, il devient plus difficile pour l’employeur de dissimuler des infractions.

Que retenir ?

On ne saurait, pour l’heure, supprimer définitivement le travail illégal sur les chantiers. Toutefois, il est possible de le réduire considérablement. Cela passe par le renforcement des mesures juridiques concernant le travail illégal et l’implication active des travailleurs. Il faut donc que ceux-ci soient sensibilisés afin de pouvoir accompagner les syndicats et les autorités publiques.

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